Ad Astra : Notre Critique
En envoyant Brad Pitt vers les confins de l’espace, James Gray opère avec Ad Astra une psychanalyse bouleversante sur un homme façonné par les erreurs de son père. Attention, critique avec quelques spoilers.
La gloire de mon Père
« So much of live is a mistery, my boy. We know so little of this world. But you and I have made a journey that other men cannot even imagine. And it has given understanding to our hearts. I love you, son« . C’est sur ces mots de The Lost City of Z que James Gray semble avoir bâti tout le récit de Ad Astra, voyage aux confins de l’espace où un fils sera justement en quête d’une figure paternelle disparue.
« So much of live is a mistery, my boy. We know so little of this world. But you and I have made a journey that other men cannot even imagine. And it has given understanding to our hearts. I love you, son ». C’est sur ces mots de The Lost City of Z que James Gray semble avoir bâti tout le récit de Ad Astra, voyage aux confins de l’espace où un fils sera justement en quête d’une figure paternelle disparue.
L’espace lui appartient
Roy McBride est en cela un portrait typique de James Gray et s’inscrit dans la droite lignée de Bobby Green (La nuit nous appartient), Joshua Shapira (Little Odessa) ou, dans une moindre mesure, Leonard Kraditor (Two Lovers). La seule différence par rapport à ces derniers sera finalement le théâtre de l’action : l’espace.
A la manière du First Man de Damien Chazelle, le vide de l’espace ne sera que le reflet de l’infinie solitude du personnage principal. Roy (Brad Pitt, bouleversant), héros taiseux et renfermé sur lui-même, se livre alors à une psychanalyse, où son rapport au père permettra de comprendre son inexorable solitude. Chaque pas en avant étant ainsi une Ouverture vers la démystification de Clifford (le père, parfaitement incarné par Tommy Lee Jones), figure longtemps fantasmée. À mesure que l’intrigue progresse, les émotions finissent par se déployer et, du silence des premiers instants succède un cri qui résonnera à jamais dans la Voie lactée.
Apocalypse Gray
L’utilisation du genre est donc très maligne, car, en lieu et place d’une odyssée épique que la science-fiction nous a tant donné de voir, le cinéaste préfère dessiner une fresque intimiste et expérimentale, aux enjeux humains. Même au niveau référentiel, les nombreuses inspirations évoquées par le réalisateur ne se situent pas tant du côté de la SF que de genres bien différents. De ce fait, c’est plus de Apocalypse Now que se rapproche Ad Astra, de par sa voix off lancinante et sa longue remontée du fleuve amenant ses personnages aux portes de la folie.
Pour ces raisons, les quelques séquences d’action sont les seuls véritables points noirs d’une oeuvre qui n’en avait décidément pas besoin, tant elles paraissent artificielles et sans aucun enjeux émotionnels, en plus de contraster avec la mise en scène lente et contemplative.
Au vu du parti-pris que prend donc le film, n’espérez alors pas des questionnements qui s’étendent par delà les étoiles, car James Gray les balaie vite d’un revers de la main, pour y céder à la place un constat pessimiste, mais touchant : « We’re all we’ve got ».
Dans l’espace, personne ne vous entend pleurer
Pour autant, à l’inverse de tout le reste de sa filmographie, Ad Astra demeure une oeuvre tentée d’espoir.
Les réponses tant espérées par le personnage de Brad Pitt ne se trouvent finalement pas dans du côté du père, mais vers le reste du monde. Alors que le reste de ses longs-métrages mettaient donc en avant l’enfermement par la cellule familiale, James Gray libère enfin son protagoniste de cette dernière pour lui permettre enfin la rédemption et l’ouverture sur le monde que tous les protagonistes de sa filmographie avaient espéré.
« Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun
désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés
dans la poussière d’un sol aussi désolé que le ciel, ils cheminaient
avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer
toujours » (Chacun sa Chimère, Le Spleen de Paris)
Sur ces quelques mots de Baudelaire, Ad Astra semble donc naviguer éternellement et nul doute que cette odyssée émotionnelle pleine d’espoir finira par entrer dans l’Histoire comme un des plus grands films de son auteur.
Conclusion
Au final, dans un océan de blockbusters standardisés, Ad Astra est une révélation sublime et déchirante, prouvant encore une fois la maîtrise d’un des auteurs les plus importants de son époque. Par le prisme de l’épopée spatiale, James Gray s’éloigne des conventions de la science-fiction pour délivrer une fresque intimiste sur la solitude et l’extirpation de la cellule familiale, où l’Homme doit, pour pouvoir exister, déconstruire et se détacher du Père.
Ad Astra
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Réalisation - 090%
90%
-
Bande-originale - 080%
80%
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Scénario - 095%
95%
-
Casting - 095%
95%
Pour
- La mise en scène contemplative de James Gray
- Brad Pitt, impressionnant et tout en retenue
- La sublime photographie de Hoyte Van Hoytema
- L’écriture de Gray, toujours aussi précise et touchante
- Les très belles compositions de Max Richter
- L’utilisation maligne du genre science-fictionnel
- La relation père/fils bouleversante
- La fin terrassante
Contre
- Les scènes d’action, plutôt artificielles et inutiles
- L’épilogue qui en dit trop