Avec Nokia, Bertrand Dupuis « ne voulait pas que les employés soient dans un bain de virus »
Comment gérer à la fois sa start-up et la sortie imminente de ses nouveaux smartphones Nokia ? Bertrand Dupuis, Directeur Général France d’HMD Global, explique comment l’entreprise traverse cette crise sanitaire.
L’air décontracté, le sourire se sent derrière le téléphone. Confinement oblige, l’interview se fera chacun chez soi. Bertrand Dupuis a le temps aujourd’hui. Avec cette période particulière, le Directeur Général France d’HMD Global voit son agenda plus léger que d’habitude. Il faut dire que la mise en place d’une nouvelle organisation n’a pas été des plus compliquées. La culture finlandaise de l’entreprise a ancré le télétravail au cœur de son fonctionnement. « Pour vous donner une idée, on n’a même pas de téléphone fixe au bureau. Nous ne sommes pas du tout portés sur des postes sédentaires. » Une configuration qui fait que la partie administrative de l’entreprise gère cette crise avec une facilité déconcertante selon lui.
Un confinement sous contrôle
Bertrand Dupuis ne prend pas cette situation à la légère pour autant. Le confinement n’était pas annoncé qu’il avait déjà demandé à ses employés de rentrer chez eux. Un conseil venant d’Italie : « Nos homologues nous ont dit : ‘les gars faites attention, vous ne vous rendez pas compte, c’est vraiment une crise forte. Ce n’est pas juste une grippe, et ça va arriver chez vous.’ » nous confie-t-il. Une communication et une organisation déjà bien ficelée lui permettant de réagir vite en France.
Depuis février déjà, les doutes émergeaient quant au bon déroulement des prochaines semaines pour l’entreprise. Le Mobile World Congress de Barcelone n’avait pas encore été annulée. HMD Global avait déjà pris la décision. Pour eux, il n’était pas question de prendre de risques : « On ne voulait pas que les employés soient dans un bain de virus. À cette époque, on avait la connaissance d’un nombre important de personnes venant de Chine qui allaient arriver sur le salon. Elles pouvaient potentiellement contaminer beaucoup de monde sans qu’elles ne le sachent. » Un choix difficile à prendre d’autant plus que rien n’annonçait l’annulation du MWC. Le risque était grand, la concurrence pouvait en profiter pour prendre les devants. « On a perdu des millions […] mais comme ils disent en anglais : people first. »
De Nokia à HMD Global en passant par Microsoft, Bertrand Dupuis n’avait jamais vu une période aussi particulière. Pourtant il en a vécu des « drôles de choses » : des guerres, des krachs, une « évolution fulgurante de la téléphonie »… mais une épidémie, un confinement qui bloquerait la quasi totalité des points de vente… « Les revendeurs sont fermés par obligation légale […] et la vente de téléphones sur internet a diminué, avec Amazon qui ne livre plus que des produits de première nécessité, on parle de 75% du marché. » Pour beaucoup comme pour lui, c’est inédit.
Du retard pour certains nouveaux Nokia
Si la partie logistique se déroule sans accroc, le secteur vente pâtit de cette situation. HMD Global aurait besoin de se rassurer sur ce point. Quatre nouveaux téléphones viennent d’être annoncés. Les Nokia 1.3 et 5.3 devaient sortir en avril/mai : « une partie des [Nokia 1.3] sont en transit, dès que les magasins réouvriront, nous serons prêts. » Seulement il faudra que les magasins le soient eux aussi : « Il y aura sans doute du retard dans la mise en place du produit chez les revendeurs. » Confinement oblige, il faudra leur laisser le temps d’écouler les stocks d’avril. D’après Bertrand Dupuis, une ré-ouverture en avril permettra une mise en rayon mi-mai. Le 5.3 devrait quant à lui arriver à l’heure sur Internet et à la mi-juin en magasin.
Le Nokia 8.3 5G ne devrait pas rencontrer de problèmes d’approvisionnement dûs au Covid-19 selon le Directeur Général France d’HMD Global. Cependant, il se peut qu’un problème de compatibilité 5G vienne contrarier le bon déroulement de sa sortie : « La licence a déjà été attribuée, […] chaque réseau de chaque pays a son propre timing de déploiement. » Un coup manqué pour le premier smartphone 5G de la marque qui, faute de personnel chez les opérateurs, ne peut pas être certifié pour le moment. La start-up envisagerait donc de sortir ses premiers produits avec la mention « 5G ready » s’ils n’ont pas eu le temps de les faire certifier avant.
Malgré un départ glissant contre leur gré en 2020, Bertrand Dupuis est confiant pour la suite. L’inondation du marché européen par les marques chinoises ne semble pas l’inquiéter : « C’est plus difficile que cela n’a pu l’être mais on a une marque très solide ». Avoir une marque solide c’est bien, mais pouvoir se remettre à vendre, c’est mieux. Il ne reste plus qu’à espérer que le confinement ne dure pas quatre mois.