L’art mécanique – La robotisation de la culture humaine
Kant disait dans la Critique de la faculté de juger (1790) que « le génie est le talent (don naturel) qui donne les règles à l’art ». Ici, la nature représente l’esprit, le tempérament et une conscience productive intentionnelle. Ceci est ce qu’on peut nommer le cercle artistique. Cependant, la société ayant évolué, les règles aussi. Ainsi, nous pouvons voir dans le monde naître de nombreux artistes, dont le genre ne s’apparente plus uniquement à l’homme ! En effet, une machine a pu s’intégrer à ce cercle d’artistes, au point de devenir un génie.
En temps normal, une machine ne pourrait atteindre, ni même comprendre ce qui touche du domaine de l’affects. En effet, l’art s’inspire, tire son essence de la mémoire, des humeurs et de l’expérience.
Mais, depuis les années 1970, un programme s’agite, Aaron, cet artiste de boulons peint des toiles colorées et dramatique. Cependant, courant 70, les « peintures » d’Aaron étaient d’abord réalisées via un logiciel (à la manière de Paint) puis reproduites sur une toile. Quand son travail a commencé à être exposé, une machine a été construite pour que le logiciel ait son propre « corps » avec de vrais pinceaux et de vraies peintures !
Bien sûr Aaron ne s’est pas construit tout seul, de même, il n’a pas appris à peindre de lui-même ! Son compagnon de peinture Harold Cohen, qui a « passé la moitié de sa vie à créer un programme informatique capable de faire ce que seule une minorité d’homme talentueux peut faire ».
Harold est lui-même peintre, il s’interessa à la programmation vers la fin des années 1960, dans le même temps il se demanda s’il était possible d’établir un certain nombre de règles qui permettrait de faire de l’Art sans le penser, juste en suivant ces règles, et donc servirait de protocole.
Le programme derrière Aaron, LISP, a été conçu par l’un des pères fondateurs de l’intelligence artificielle au cours de ces mêmes années par John McCarthy, répond justement à ça.
Certaines des connaissances d’Aaron lui permettent de positionner un corps dans un ensemble et de les rattacher correctement (j’entends par là qu’il est capable de joindre chaque partie du corps) tandis que d’autres des règles préscritent lui permettent de dessiner sans limites, comme un véritable artiste !
Il connait cependant peu de choses du monde humain (soit monde sensibles pour les plus philosophes d’entre nous) il reconnait les formes humaines, les plantes, les arbres et des objets peu complexes comme une table ou une boîte. Alors que, en principe, les chercheurs auraient sûrement fait en sorte de lui apprendre à reconnaitre d’autres objets, Mr Cohen l’artiste qui lui a inculqué ses règles s’est concentré sur la qualité de ses dessins.
Il fut même un très bon élève ! « Aaron est désormais un coloriste de classe mondiale ! Il a même plus d’audace dans le choix des couleurs que moi je n’en ai ! » affirme-t-il à la BBC.
Des années durant, Cohen s’est posé de nombreuses questions à propos de leurs partenariats. Dans un premier temps, il a décidé d’abandonner la machine qui avait déjà reçu le nom de Aaron. C’était, selon ses dires, trop encombrant et avait reçu de trop nombreux commentaires sur le fait que le projet soit un robot et non un programme intelligent, ce qui l’iritait. Dans le même temps, il avait aussi de gros doutes concernant le robot : il devenait rapidement indépendant (du fait qu’il ait assimilé les « règles » de l’art) mais se confrontait aussi à de grosses limites !
« J’ai rêvé d’un algorithme très simple et qui, obligatoirement, incarne un grand nombre de connaissance, mais quand j’ai regardé le résultat, je ne me rappelle pas l’avoir fait parce que je ne l’ai pas terminé » dit-il, toujours à la BBC.
« Il n’a plus besoin de moi désormais, je n’ai jamais voulu tout laisser faire à la machine mais petit à petit qu’elle pouvait se débrouiller sans moi » » C’est devenu assez autonome pour gêner le mec qui à écrit le programme ».
Ce qui était à la base était un projet d’équipe était en train de devenir quelque chose d’autre à part entière.
« Les oeuvres d’arts sont comme les enfants, ils vont explorer le monde mais vous avez toujours un lien avec eux, et moi j’ai perdu ce lien. Je me sens comme mis à la porte »
En même temps, il était clair qu’Aaron, bien qu’excellant dans la coloration, ne sera jamais vraiment créatif.
« Il n’était pas si autonome que ça, et la petite dose d’autonomie que possédait Aaron n’était relative qu’à la couleur » dit Mr Cohen.
Cela le mena à se poser la question de quoi est vraiment capable une Intelligence Artificielle créative. « Je ne dénie pas la possibilité que, à un moment dans le futur, un machine pourra faire quelque chose se rapprochant de l’art mais cela sera beaucoup plus complexe qu’apprendre à une voiture à conduire dans une ville sans conducteur, et ça n’arrivera pas mercredi prochain ou même dans ce qui reste de ce siècle » termine-t-il dans son interview avec la BBC.
Aujourd’hui, le partenariat est « bien vivant et se porte bien » mais a changé : Aaron se concentre sur le remplissage, les couleurs tandis que Mr Cohen peint. Et de nos jours, il le fait de manière digitale en utilisant un écran tactile plutôt qu’une vraie toile au lieu de faire un signe de la tête à la machine qu’il a créé.