Cinéma

LITTLE JOE (Cannes 2019): notre critique

Jessica Hausner, élève de Michael Haneke, évoque de son propre aveu le fantôme de Frankenstein dans Little Joe. C’est probablement l’un des films les plus intrigants de la compétition cannoise de cette année étant donné sa base originale digne d’une série B. Les plus curieux découvriront un film de science-fiction paranoïaque avec plusieurs bonnes idées, mais pas sans défauts…

LITTLE JOE (Cannes 2019): notre critique cannes

Alice est une femme divorcée et phytogénéticienne pour la société Planthouse, spécialisée dans le développement de nouvelles espèces botaniques. Elle a développé un nouveau projet : une plante qui a pour but de rendre son propriétaire heureux. Tout ce qu’il a à faire, c’est en prendre soin quotidiennement. Au bout du compte, de magnifiques tiges vermillon très attrayants émaneront de cette plante. Alice prend l’une d’entre elles pour son fils Joe et le baptisent Little Joe.

Mais depuis la conception de cette plante, Joe et plusieurs personnes semblent avoir beaucoup changé et être plus lunatique.

Est-ce la faute de la plante ou est-ce bien normal ?

LITTLE JOE (Cannes 2019): notre critique cannes

Comme un doux cauchemar…

Dès le début du film, le spectateur sait qu’il entre dans un univers particulier; en effet, le générique l’accueille avec une musique expérimentale légèrement stridente empruntée à Teiji Ito (compositeur japonais attitré de Maya Deren, cinéaste avant-gardiste ayant réalisé des court-métrages expérimentaux durant les années 40).

Après cette entrée en matière musicale arrive le premier plan du film. Elle adopte le point de vue d’une caméra de surveillance rotative qui filme une serre où plusieurs plantes poussent et où la couleur blanche domine. Elle effectue un tour complet puis arrivent les scientifiques en blouse blanche et notamment Alice qui présente sa dernière création.

Ce début n’est qu’un aperçu de la réalisation de Jessica Hausner. Durant tout le film réside une atmosphère glaçante, mystérieuse et inquiétante qui laisse présager une menace. Jessica Hausner propose un univers très onirique où règnent plusieurs couleurs telles que le rouge, le jaune, le violet ou le blanc. Le film prend son temps durant 1h45 pour laisser distiller cette tension sur le spectateur. La musique de Teiji Ito y contribue, mais également les acteurs, dont la plupart jouent grandement sur la modération des émotions de leurs personnages. Ce qui apporte une bonne touche malsaine

Little Joe image promo

Paranoïa ambiante

S’il n’y a pas réellement matière à remporter un Prix d’Interprétation Féminine à Cannes, Emily Beecham est assez à l’aise de son rôle de scientifique perturbée par son propre fils qui semble différent depuis l’arrivée de Little Joe. En effet, cette petite plante, si elle va d’abord être défendue par sa créatrice, va être le déclencheur de questionnements pour Alice. Cette dernière réfléchira notamment sur son ambivalence entre son rôle de mère et la volonté de réussir sa carrière professionnelle. Ben Whishaw est plus en retrait, mais est également convaincant dans son personnage amoureux d’Alice.

Little Joe joue beaucoup sur l’ambiguïté, ce qui participe à l’ambiance paranoïaque du film et pourra lancer un débat intérieur chez le spectateur. Le film réussit à être mystérieux jusqu’au bout. Au niveau de l’intrigue, il interroge la nature de la plante vermillon (est-elle réellement dangereuse ?). Mais thématiquement, il s’interroge sur les relations mère-fils, sur les secrets et sur une forme artificielle du bonheur. On regrettera néanmoins la superficialité du traitement de certaines de ces thématiques

Little Joe interroge également la folie : une personne est-elle réellement « folle » ou a-t-elle des craintes bien fondées ? Un questionnement suscité par le personnage de Bella (Kerry Fox), dont on pourra malheureusement regretter son jeu un peu bancal. Jessie Mae Alonzo, alias Selma, la (petite) amie de Joe, souffre également du même problème.

Quelques dialogues et situations du film parfois risibles sont également regrettables et stoppent d’un coup le déroulement du film. Enfin, certains choix de mise en scène sont assez étranges. L’un d’entre eux, durant des scènes de discussion, est un zoom si progressif qu’il va jusqu’à en faire sortir les personnages du cadre…

Conclusion

Ainsi, Little Joe est un film qui soulève des thématiques intéressantes, mais pas sans défauts dans son écriture et dans l’interprétation. Défauts qui peuvent être perturbants dans un film qui construit une atmosphère avec une idée de base fort intrigante…

Toujours est-il que Little Joe est suffisamment ambigu pour en sortir avec moult questions en tête, bien que certaines sont probablement sans réponse…

Les amateurs de film à atmosphère et à tension sont donc invités à découvrir cette plante très mystérieuse…

Little Joe
  • Réalisation - 80%
    80%
  • Scénario - 60%
    60%
  • Musique - 90%
    90%
  • Casting - 70%
    70%

Pour

  • Une réalisation froide et clinique approprié à l’univers
  • Le jeu d’acteur de Emily Beecham
  • Une ambiguïté qui participe à l’ambiance paranoïaque du film
  • Des thématiques intéressantes…

Contre

  • … qui bénéficient malheureusement d’un traitement superficiel pour certaines d’entre elles
  • Un jeu assez mauvais de certains acteurs
  • Des situations et dialogues parasites à l’univers du film
  • Des choix de réalisation assez étranges
Photo de Mattéo S.

Mattéo S.

Universitaire à Rennes (mais plus maintenant, foutu virus), j'aime bien le cinéma. Oh oui, j'aime bien.

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