Pokemon : Détective Pikachu – Notre critique
Il y a encore quelques mois, l’annonce d’un projet d’adaptation live de Pokémon semblait être une mauvaise blague. Aujourd’hui, ladite blague est devenue réalité, avec l’arrivée sur nos écrans de « Détective Pikachu ». Critique garantie sans spoilers.
♪ Attrapez-les tous ♪
Tout le monde le sait, cinéma et jeux vidéo n’ont jamais fait bon ménage. En effet, il serait bien trop long d’énumérer toutes les adaptations catastrophiques, qui en découlèrent. De ce fait, lorsque Warner Bros. annonça le développement d’un long-métrage « Détective Pikachu » avec Ryan Reynolds dans le rôle-titre, bon nombre de spectateurs prédirent un désastre. Toutefois, l’arrivée des premières images vint surprendre beaucoup de septiques.
L’oeuvre de Rob Letterman fut donc très vite attendue au tournant, avec une certaine crainte. Au final, comme le laissaient deviner les différentes bandes-annonces, l’adaptation se révèle être une imparfaite et plutôt bancale, mais bien loin de la qualité lamentable, redoutée par certains fans.
Une chose est sûre : la saga Pokémon n’était pas la plus facile à adapter, tant son univers se révèle inconsistant. En effet, quand on y réfléchit, capturer des animaux et les faire se battre contre leur gré n’est pas une démarche particulièrement éthique et une adaptation sur grand écran aurait pu rendre le tout vraiment déconcertant. En plus, on pouvait légitimement redouter que la retranscription desdites créatures dans un film live-action donnerait un résultat médiocre ou, au pire, complètement affreux. Heureusement, les nombreux fans prêts à attaquer le studio en justice peuvent ranger leurs fourches, car l’univers est justement une des forces majeures de ce « Détective Pikachu ».
What a Wonderful World
Dès les premières minutes, l’œuvre de met en place un monde parfaitement cohérent et terriblement envoûtant. Rob Letterman y réintroduit tous les éléments majeurs et certains thèmes s’adaptent à notre époque, et son mode de pensée. Par exemple, la ville de Ryme City est une « célébration de l’harmonie entre humains et Pokemon » et, ainsi, met tous les personnages à un rang d’égalité. De même, pour qu’un Pokemon soit capturé, il faut qu’il accepte lui-même son dresseur. On ne refuse pas non plus l’intégration de quelques éléments de background, évoquant l’origine lointaine de ces petites créatures, de quelques easter eggs, permettant d’alimenter un fan service discret et savamment dosé, et de compositions musicales réussies, arrivant à reprendre l’atmosphère si particulière des jeux vidéo.
Mais, ce qui fonctionne le plus demeure l’aspect visuel desdites créatures, très réussi et arrivant à nous faire croire en ce monde portant improbable. Que ce soit l’envolée gracieuse de plusieurs Roucool ou la gestion de la circulation par un Machopeur, tout y est parfaitement crédible et transpire l’amour de l’oeuvre originel. En tout cas, ce « Détective Pikachu » réveillera obligatoirement l’âme d’enfant de tous ceux qui sont, ou furent un minimum attachés à la licence.
Chair de Pool
Cette cohérence de l’univers se fait aussi grâce au travail de Rob Letterman, déjà réalisateur de « Gang de Requins » et « Chair de Poule ». Comme le laisse deviner la médiocrité de sa filmographie, sa mise en scène reste très impersonnelle mais, étonnamment, fonctionne plutôt bien. Tout y est très réfléchi, soigné et le cinéaste se livre même à des exercices de style plutôt bienvenus, notamment lors de certaines séquences en caméra épaule plutôt bien senties. Hélas, les quelques embryons d’idée ne sont jamais plus développés ou exploités, à l’image du passage avec les Amphinobis, prometteur, mais finalement très frustrant, par son manque d’audace.
Un manque d’audace qui se retrouve aussi dans un climax hideux, où effets spéciaux d’un autre âge côtoient photographie grisâtre. Ce qui est d’autant plus dommage, vu que le travail de John Mathieson ressortait particulièrement lors de la première moitié. En effet, sa photographie amène une ambiance élégante, typique du film noir.
Father Issues
Il en va de même pour le scénario de Nicole Perlman (« Les Gardiens de la Galaxie », « Captain Marvel ») : bien conçu pour sa première partie puis totalement raté pour sa seconde. Pourtant, tout ce qui précède ces laborieuses trente dernières minutes est une bonne surprise en terme d’écriture. L’oeuvre de Rob Letterman assume ses nombreuses inspirations et pioche notamment dans le « Qui veut la peau de Roger Rabbit », de Robert Zemeckis. La relation entre Tim, le personnage principal, et Pikachu est notamment une de ses forces. L’humour y joue d’ailleurs un rôle prépondérant. Honnêtement, tout cet aspect comique repose essentiellement sur les épaules de Ryan Reynolds, qui s’en livre justement à cœur joie. Néanmoins, il est un peu compliqué de savoir à qui s’adresse véritablement le film, car certaines touches comiques semblent destinées à un public plus adulte et se rapprochent même d’un certain « Deadpool ».
L’intrigue reprend, elle aussi, bon nombre d’éléments issus des films noirs. Cependant, cet aspect devient très vite agaçant, à cause de la totale prévisibilité du script et de l’inintérêt que le spectateur porte à celui-ci. Sans compter tous ces twists incroyablement fatigants et prévisibles.
L’écriture, très référencée, n’en demeure pas moins audacieuse par moment, en abordant des thématiques plus adultes qu’il n’y paraît. Le développement de Tim en fait notamment parti, car il se relève étonnamment touchant et osé. En abordant la mort d’un proche ou l’absence du père, le scénario de Perlman offre des séquences étonnamment matures, malgré une mise en scène bien trop insistante sur celles-ci. Malheureusement, ce personnage fort ne reflète pas le reste de ces confrères, insipides et stéréotypés, à l’image de ces méchants dignes d’une vieille série Z.
Ryan Reynolds Show
Comme évoquée précédemment, c’est ce climax qui échoue à conclure décemment tous les arcs narratifs, tant sur le plan visuel que narratif. Tout ce qui concerne l’antagoniste du long-métrage est, par exemple, un désastre total. De même, la conclusion de l’arc narratif majeur du film est une fausse bonne idée, attendue et diablement mal exécute. En plus de cette dramaturgie boiteuse, l’œuvre ne parvient même plus à nous décrocher un sourire ou à nous émouvoir.
En dépit de toutes les tares énumérées, ce « Détective Pikachu » doit aussi beaucoup de son efficacité à son acteur principal, véritable plus valu du long-métrage : Ryan Reynolds. La crainte autour de ce choix de casting était compréhensible mais, au final, ledit acteur est en pleine forme. Seulement, le reste du casting n’arrive jamais à égaler cette prestation exaltée. D’habitude excellents, des interprètes tels que Bill Nighy ou Ken Watanabe sont, ici, vraiment médiocres. Heureusement, Justice Smith parvient à lui tenir tête et offre une prestation émouvante à ce jeune homme, dont le passé a laissé plusieurs séquelles indélébiles.
Conclusion
Sorte de substitut improbable entre « Qui veut la peau de Roger Rabbit » et « Deadpool », ce « Détective Pikachu » n’en reste pas moins plaisant, entre son duo principal détonant et son univers merveilleux. L’œuvre arrive aussi à surprendre, à travers des choix scénaristiques osés et une mise en scène, certes impersonnelle, mais plutôt soignée. Hélas, le dernier acte calamiteux vient saccager toutes ces ébauches d’idées. Au final, ne reste plus qu’un produit nostalgique en demi-teinte, qui ravira assurément les fans mais dont l’énorme potentiel n’est jamais exploité.
Pokemon : Détective Pikachu
-
Réalisation - 60%
60%
-
Bande Originale - 65%
65%
-
Scénario - 50%
50%
-
Casting - 60%
60%
Pour
- L’univers envoûtant et respectueux de l’oeuvre originale
- La mise en scène plutôt réussie de Rob Letterman
- La photographie typique des films noirs
- La relation Tim/Pikachu, soigneusement écrite et émouvante
- Ryan Reynolds, en pleine forme, et Justice Smith, plutôt touchant
- Les compositions musicales, adaptant avec précision l’ambiance des jeux
- Certains choix scénaristiques matures et surprenants
Contre
- La fin catastrophique, que ce soit visuellement ou scénaristiquement
- La mise en scène reste quand même très impersonnelle
- Les protagonistes secondaires, stéréotypes et insupportables
- Le reste du casting est là pour prendre son chèque
- L’intrigue cousue de fils blancs
- L’humour peine parfois à trouver son public