L’Arabie saoudite veut régner sur l’e-sport
L’e-sport (sport électronique) est devenu l’une des industries de divertissement les plus en vogue au niveau international. De quoi intéresser beaucoup de pays, comme l’Arabie saoudite, qui accélère dans cette discipline ces dernières années avec une ambition claire : s’imposer sur la scène mondiale de l’e-sport.
Arabie saoudite et le Gaming : Objectif 2030
Dans le cadre de son plan Vision 2030, l’Arabie saoudite travaille à diversifier son économie pour se préparer à un avenir post-pétrolier. Une stratégie qui comprend notamment un volet divertissement dans lequel figure l’e-sport, soit la pratique sur internet d’un jeu vidéo seul ou en compétition.
L’Arabie saoudite a compris que pour rivaliser sur la scène internationale du sport électronique, où domine la Corée du Sud, la Chine et les Etats-Unis, il était essentiel d’investir en masse. Ce seront donc 38 milliards de dollars qui seront mis sur la table d’ici 2030.
Ces derniers mois, le royaume a multiplié les annonces concernant l’e-sport via son fonds d’investissement public (PIF) et d’un organisme placé sous la direction de ce dernier, le Savvy Games Group.
Le PIF a engagé de nouveaux capitaux dans le groupe californien Electronic Arts (il a désormais 10% du capital), et chez Nintendo, devenant, avec 7% des parts, le principal investisseur extérieur du studio japonais. Chargé de booster les industries du jeu vidéo et de l’e-sport, le Savvy Games Group a aussi racheté le studio Scopely pour 4,9 milliards de dollars, et s’est rapproché de plusieurs entreprises du gaming, comme WEMADE, Vindex et VSPO.
Ces informations confirment que l’Arabie saoudite a jeté son dévolu sur le sport électronique. Si le Savvy Games Group s’est focalisé sur la compétition via le rachat en 2022 des tournois d’e-sport FACEIT et ESL, les Saoudiens s’intéressent aussi au développement et à l’édition de jeu. Dirigé par Brian Ward, ancien de Microsoft, d’Activision Blizzard et d’Electronic Arts, le Savvy Games Group dispose d’ailleurs d’une enveloppe de 13 milliards de dollars pour acquérir la totalité d’un éditeur de jeux vidéo.
Le cap vers le jeu vidéo de l’Arabie saoudite fait écho à un programme lancé en septembre 2022 par Mohammed ben Salmane (MBS) : « La stratégie nationale des jeux et des sports électroniques est motivée par la créativité et l’énergie de nos citoyens et joueurs, qui sont au cœur de la stratégie. Nous répondons aux ambitions de la communauté des joueurs en Arabie saoudite et dans le monde entier, […] afin de faire de l’Arabie saoudite la plaque tournante mondiale de ce secteur d’ici à 2030 », a déclaré le prince héritier, fixant dans le même temps un objectif de 30 jeux produits par le royaume avant la fin de la décennie.
Pour y parvenir, et répondre aux ambitions de MBS, Savvy Games Group a récemment lancé une vaste campagne de recrutement. Mohammed ben Salmane veut en effet créer plus de 39 000 emplois dans le jeu vidéo. Par ce biais, les Saoudiens espèrent continuer à attirer des talents sur ses terres, jusqu’ici moins peuplées en studios de développements que ses rivaux asiatiques, américains et européens.
L’Arabie saoudite a créé la fédération saoudienne d’e-sport en 2017, qui compte déjà plus de 500 joueurs professionnels exerçants sous contrats officiels. Ils sont répartis dans 100 équipes, contre deux il y a six ans. C’est toutefois bien moins que le nombre de joueurs américains, chinois ou encore sud-coréens.
Conscient de son retard, l’Arabie saoudite mène une stratégie de professionnalisation dans l’e-sport. Du programme « Game Changers », visant à encourager l’engagement des Saoudiens dans le sport électronique, à l’Académie Tuwaiq, proposant des cours pour débutants et professionnels voulant se perfectionner dans le gaming, le royaume compte bien donner à ses talents nationaux toutes les clés pour réussir.
En tant qu’investisseur de premier plan, disposant d’un horizon unique d’investissement à long terme et de capitaux de longue date, Savvy Games Group continuera à investir dans des programmes et des infrastructures à l’échelle nationale pour permettre, renforcer, soutenir et accélérer l’entrepreneuriat, la formation et l’éducation.
Directeur de Savvy Games Group Brian Ward.
Afin de devenir une plaque tournante du jeu vidéo et de l’e-sport, l’Arabie saoudite compte également sur ses investissements à l’étranger. « Nous ferons également venir en Arabie Saoudite des entreprises internationales, qu’il s’agisse d’éditeurs, de développeurs ou d’entreprises de technologie, par le biais de nos investissements et de nos collaborations commerciales, de façon à fournir des talents, du transfert de connaissances, des co-investissements et des compétences dans la création d’écosystèmes », poursuit le PDG de Savvy Games Group.
La création de ces futurs jeux saoudiens identifierait ainsi le royaume comme un acteur majeur du jeu vidéo et de l’e-sport. Alors que de nombreux acteurs du sport électronique annonce des restructurations économiques, la force de l’Arabie saoudite tient à ses fonds qui paraissent illimités. « Ce qui est incroyable, c’est que le gouvernement a mis l’e-sport en avant et au centre, alors que beaucoup de pays essaient encore de trouver un positionnement. Les investissements saoudiens sont devenus les plus élevés du monde », affirme Chester King, PDG de British Esports, la fédération britannique d’e-sport.
Cette manne financière permet par exemple à l’Arabie saoudite de proposer 45 millions de dollars de récompense aux joueurs professionnels du festival Gamers8, le plus grand événement e-sport au monde organisé chaque été à Ryad depuis deux ans. Une dotation qui a de quoi attirer les meilleurs talents.
Et le royaume veut aller encore plus loin en organisant une Coupe du monde d’e-sport annuelle à partir de l’été prochain. Organisé à Ryad, le tournoi « comprendra les jeux les plus populaires au monde, tous genres confondus, et offrira la plus grande dotation de l’histoire de l’e-sport », précise Mohammed ben Salmane dans un communiqué, sans donner plus de précision. Les modalités exactes de la future Coupe du monde seront rendues publiques début 2024. « Cet événement s’inscrit comme une étape naturelle dans le projet de l’Arabie saoudite de devenir le premier centre mondial des jeux vidéo et de l’e-sport », ajoute le prince héritier.